mardi 29 mai 2012

Le Clan des Super Vivants

Attention, ça à pas l'air comme ça, mais c'est un article sérieux. Pendant que la barquette de lasagne se réchauffe au micro-onde (moi aussi je mérite de faire top chef) et que la Mirabelle est occupée avec le Pruneau (ou l'inverse), je te prépare un article sur un sujet qui me tiens à cœur. Il a été super dur à écrire pour moi, alors sois un peu indulgent s'il te plait, je livre mon cœur de Prune là ! Non mais !

Il y a un peu plus de 5 ans, le 18 décembre 2006 exactement, j'ai subit une grosse opération maxillo-faciale. La mâchoire quoi. Toi qui me connait t'en as peut être marre d'écouter cette histoire, et toi qui me connait pas encore je suis sûre que tu veux pas savoir en détail. Non, crois-moi, tu veux pas. On s'en fiche d'ailleurs, c'est pas important dans le fond. Ce qu'il faut savoir c'est que ça a changé ma vie. Complètement. 

Ça parait pas comme ça, mais se retrouver avec un sourire "normal" au bout de 10 ans de combat c'est comme si d'un coup en regardant le miroir, je voyais Catherine Zéta-Jones dedans. Sans dec. 

Une année plus tard, quand j'en ai eu enfin fini de tous les soins post-op, retiré les dernières bagues, posé le dernier fil de contention, vérifié toutes les radios, J'ai enfin pu faire mon deuil. Il m'a fallu vachement de temps, de nombreuses années pour faire disparaitre l’appréhension de la rechute, pour effacer le spectre de l'appareil dentaire qui m'avait lâchement menacé pendant 10 ans, guettant avec avidité son retour triomphale sur mes canines tombantes.

Depuis l'opération, j'avais la fierté d'être présentée comme LA réussite de l'équipe. Les internes se plantaient devant moi avec un regard alléché comme si j'étais la Joconde de la dentition, le St Graal du sourire, le vilain petit canard devenu enfin un cygne, le but ultime de toute leur carrière, le record à battre (rien que ça). 

Souvent quand j'y allais (bon ça fait un moment que j'y vais plus maintenant) l'ortho arrêtait tout pour montrer à ses nouveaux patients que OUI, c'était possible. Moi aussi j'ai été à leur place à ces jeunots, à contempler des jeunes filles aux crocs bien alignés, les admirant par devant et les maudissant par derrière d'être aussi parfaites du dentier. Même si l'ortho me garantissait que "mais si je te jure, elle s'était pire que toi au départ" (Mais ouais, c'est ça, bien sûr), j'avais souvent envie de m'enfoncer loin, très loin dans mon fauteuil, pour cacher ma face de radiateur à des nanas aux dents sublimes. Je croyais naïvement que je devais avoir honte, mais c'est pas de la pitié que je voyais dans leurs yeux, c'était de la compassion en fait. Parce qu'elles savaient.

Tout ça pour dire que je peux maintenant mettre des mots sur tout ça (ou du moins essayer), sur cette peur, sur ces doutes, sur cette renaissance, sur cette difficulté à accueillir son nouveau soi, tout ce qui a été pour moi un véritable traumatisme, mais les mots ne feront jamais ressentir ce que nous avons traversé au cours de ces semaines là, mes proches et moi. J'ai profondément changé ma façon de vivre depuis ce temps là. Je vis plus. Plus intensément, plus follement, plus spontanément. Je suis vivante, Super Vivante même et je suis Normale. Tout cela est terminé. Pour de bon.

J'ai souvent parlé de cette aventure autour de moi, sur mon blog, des forums, mais je viens seulement de me rendre compte d'un truc. En allant parler à Rose Cocoon. pour une fois je ne me suis pas étalée à raconter toute ma vie. Je me suis rendue compte direct qu'il y avait pas besoin. Elle a eu un parcours plus délicat que le miens, mais le final est le même. 

Pour que tu comprenne, si on s'était vues en vrai, je crois qu'on se serait regardé, on aurait souri, on serait tombées dans les bras l'une de l'autre, et j'aurais sûrement versé ma petite larme. Sans un mot. Parce qu'elle et moi, on SAIT. 

Il y a parfois des silences qui en disent plus que les mots parait-il. 

Bah voilà. 

Aujourd'hui je voudrais dire à tous les rescapés du bistouri, tous les survivants du bloc opératoire, et tous ces gens pour qui une opération a changé la vie : Poutoux les minous, et bienvenue au club des Super Vivants.

La Prune


(photo slip undiz. Sans commentaire)

6 commentaires:

  1. la je te comprend tout à fait.. mon opération était un étage plus bas, mais j'ai pu redresser le torse et ne plus marcher voutée...
    vive nous!!

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  2. Ton article m'a fait pleurer.
    J'ai la larme facile aussi, mais voilà, tu résumes très bien tout ce parcours dont on sous-estime souvent l'impact qu'il peut avoir sur la psychologie du patient.

    Même moi, j'ai encore du mal à me défaire de tout ça.

    Parce qu'il y a pire que moi.
    Que malgré mes 5 opérations, je vais bien aujourd'hui.


    En tout cas merci, y a rien à dire de plus. :)

    Rose

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  3. Mais de rien ma Rose, et courage pour la suite et pour le fameux "deuil"... ça restera toujours là, mais tu verras, ce sera comme une pierre de plus à ton édifice, comme quelque chose qui rend plus fort et que tu regarderas avec fierté :-)

    Moulinette bravo à toi d'avoir traversé ça et comme tu dis, vive nous !

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  4. Très étrange que tu parles de tout cela aujourd'hui car ma maman a subi ce matin une très grosse opération: on lui a retiré le poumon gauche.
    J'ai hâte qu'elle puisse dire comme toi qu'elle se sent super vivante...
    Merci pour ton article.

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  5. Euh... moi aussi je pleure devant mon écran.

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  6. Bon courage à ta maman, qu'elle se remette bien, et bon courage à toi, je sais que c'est dur aussi pour les proches <3

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Les commentaires sont modérés alors ne t'inquiète pas s'ils mettent du temps à s'afficher, je suis pas toujours là mais ça finira par arriver et j'y réponds (presque) toujours !