mardi 31 juillet 2012

Envie de parler face à mon impuissance...


Je tiens à te prévenir que cet article va être redondant et vraiment pas du tout marrant à lire. Je profite de l'absence du Pruneau pour le faire lui qui déteste quand je parle sérieusement. Je m'excuse par avance mais depuis samedi je cherche tous les moyens pour exorciser ce que j'ai vécu, égoïstement, parce que ça me pèse, parce que je fais des cauchemars, parce que j'y pense tout le temps, parce que ça tourne et retourne dans ma tête.

J'avais déjà un noyau d'article sur l'impuissance parce que c'est un sentiment que je déteste. Je déteste ne pas être maîtresse des choses, ne pas pouvoir prendre des décisions, agir, faire pencher la balance, me rendre utile, ça me rend folle. Je déteste être dépendante des choses. Sentir le destin prendre le dessus me révolte parfois.



Samedi dernier, nous étions sur la route de Quimper. J'étais un peu fatiguée, nous étions partis depuis 7h du matin, il était presque 15h et nous venions de traverser une heure de bouchon. Je voulais continuer d'une traite pour rattraper le retard. La route était calme, fluide, tranquille... On chantait dans la voiture, on était impatientes d'arriver.

Et puis...

Et puis j'ai vu, impuissante, la voiture se retourner devant moi et traverser la chaussée jusque dans le fossé. Je me suis arrêtée, warning, distance de sécurité... Le temps que je sois garée et que je regarde dans mon rétroviseur, la voiture avait pris feu. J'ai tout fait en automatique, gilet jaune, triangle, appel des pompiers... Naïvement, je me disais que ce n'était pas trop grave, qu'on allait les aider, j'avais assisté à un accident similaire des années auparavant ou l'homme était sorti indemne...

Mais le feu était trop fort. Le pauvre extincteur que mes voisins de devant ont sorti ne faisait pas le poids. Je n'ai même pas pu contourner la voiture pour aller mettre le triangle alors j'agitais mon gilet jaune pour prévenir les automobilistes de ralentir.

J'ai vu, impuissante, un homme se jeter sur la portière et tenter de l'ouvrir. Je l'ai vu échouer. La fumée était noire, épaisse, et les pneus éclataient dans un bruit épouvantable. J'ai vu cet homme courageux remonter le talus, blessé, intoxiqué, je l'ai entendu hurler de désespoir et j'ai alors compris que c'était fini. J'avais peur. Peur que tout explose, peur pour moi, pour mes amies. Alors j'ai fait sortir tout le monde de la voiture, on s'est éloignées du brasier et on a attendu, impuissantes. Des minutes, de longues minutes, pendant lesquelles on était tous conscients, sur ce bord de route, de ce qui était en train de se passer dans cette voiture blanche. On était tous conscients que des gens étaient en train de mourir. Les pompiers, les gendarmes, un hélicoptère sont arrivés, enfin, après ce qui nous a paru être des heures (mais après coup je me dis que ça a du être rapide, je ne me rend pas bien compte) et ils ont été impuissants, eux aussi.


Il y a eu une grande solidarité, on est tombé dans les bras les uns des autres, les plus faibles ont été soutenus par les plus forts, les pompiers étaient à l'écoute, ils ont tenu à me parler avant que je reparte pour être sûrs que j'étais en mesure de conduire, les gendarmes ont été très gentils, ils m'ont dit tous ce qu'ils savaient (c'est à dire pas grand chose sur le coup)...

Je tiens aussi à dire à la famille des victimes qu'ils n'étaient pas seuls. Que personne n'a été indifférent à leur sort, qu'on a tenté d'aider, chacun à notre manière, et que tous les gens qui étaient là, j'en suis sûre, auraient vraiment voulu les sauver tous.


Je sais qu'assister à un accident sans en être victime peut paraître anodin, mais ça ne l'est pas. Pour moi comme pour les autres, ça a été un choc vif et je n'imagine même pas ce qu'à pu ressentir cet homme qui a vu les victimes, qui a essayé de les sortir et qui a du renoncer et les laisser à leur sort. Je pense fort à la famille, tous les jours, j'espère qu'on trouvera des réponses qui sauront apaiser un peu nos interrogations, nos "pourquoi"...

Je remercie également Pruneau, Guimauve, et mes parents d'être un soutien si puissant dans les moments difficiles.

Bisous à toi également,

La Prune

18 commentaires:

  1. Oh ma pauvre, je suis en larmes devant cet article. Je n'ose imaginer ce que tu as pu ressentir face à cette tragédie...
    Il est normal que tu te sentes mal, fasses des cauchemars, aies besoin d'en parler. Même si ces personnes étaient des inconnues, il n'en est pas moins vrai que ce sont des êtres humains qui ont péri dans d'atroces circonstances.
    Je t'offre tout mon soutien, et si tu as besoin de parler on peut le faire par mail il n'y a pas de souci, ej comprends ce besoin d'en parler au risque de paraître morbide aux yeux des autres, mais c'est la seule façon de se vider un peu l'âme...
    Courage...

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  2. Merci bien, j'arrête pas depuis samedi, j'en cause partout, tout le temps, j'en ai besoin et j'ai besoin de m'entendre dire qu'il n'y avait rien à faire, que je ne pouvait rien changer et qu'ils sont mieux là où ils sont... ça commence à s'évacuer, petit à petit, mais je sais que ça me hantera encore longtemps...

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  3. J'ai été très touchée par ton article, ta façon de décrire les choses. Je comprends que tu aies eu besoin d'en parler, d'exorciser. Bon courage, continue à t'exprimer si tu le peux ...

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  4. Merci beaucoup, j'ai écris cet article beaucoup pour moi, en fonction des choses que je rumine depuis trois jours, celles qui m'empêchent de dormir, celles qui m'assaillent au détour d'une rue ou dans le train... Je vais digérer, je n'en doute pas, mais on sait pas trop comment réagir après ça...

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  5. Oh ma prune,je comprend que tu y penses et que tu sois choquée par ce très triste évènement!!
    Il y a de quoi!!!!
    Bon courage ma belle,gros bisous.Mag

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  6. Merci ma belle, je commence à émerger, j'ai l'impression que c'était juste un affreux cauchemar... Gros bisous à toi :-)

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  7. je suis desolée pour toi et pour ces pauvres personnes... ca a du etre horrible. Je te comprends car quand je passe devant un accident ou il y a deja les pompiers, j'ai mon coeur qui s'embale, alors toi qui a été témoin du début à la fin. je te soutiens moralement, je sais que e n'est pas grand chose, mais bon. Bisous

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  8. Merci... c'est surtout qu'on était là et qu'on a rien pu faire... dans ma tête de princesse qui vit au monde des bisounours je me disais que ça allait, qu'on allait les aider à sortir... Le pire c'est quand on a appris qu'ils étaient 4 et pas 2 ou 3 comme on le croyait au départ... Mais enfin, c'était comme ça, yavait rien à faire, les pompiers mes l'ont dit eux mêmes, ya des cas où rien n'est possible... avec notre pauvre extincteur on pouvait pas lutter malheureusement... S'il n'y avait pas eu le feu je suis sûre qu'on les aurait sortis... mais avec des si...

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  9. il parait que nous partons tous quand c'est notre heure... il n'y a jamais de bonnes façon de partir... hélas même si tu sais les circonstances de ce drame un jour ( et j'ai bien peur que non ) ça ne t'ôtera jamais ces sentiments que tu vis. Je te conseillerai grandement de voir pour un suivi psychologique, si ce n'est au moins pour évacuer durant quelques séances et t'aider à retrouver un brin de sérénité.

    Nous sommes toujours impuissant face à tout cela.. hélas..

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  10. C'est ce que m'ont conseillés les pompiers et les gendarmes... je pensais digérer mais j'ai encore fait des cauchemars cette nuit alors c'est sûrement ce que je vais faire... je me sens totalement épuisée depuis je pense que tout mon corps a été secoué dans l'affaire... Je sais qu'il aurait été dangereux de tenter quelque chose mais mon cerveau prend un malin plaisir à me proposer d'autres scénarios où je suis plus active... cette culpabilité sûrement ridicule me poursuivra toute ma vie je crois... mais comme tu dis je pense que c'était le destin...

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  11. assister à un accident est horrible, on ne sait as quoi faire, on a l'impression que on a bien agis, ou qu'on aurait pu faire mieux.
    Mais tu es pas wonder woman, malheureusement tu n'aurais rien pu faire de plus. Tu as eu de trés bon réflexe.
    Courage la prune j'espère que ca ira mieux.

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  12. Merci... Comme dirait Pruneau quand je suis partie de la maison j'avais de l'angoisse car j'avais deux personnes sous ma responsabilité, et lors de l'accident j'ai tenu à les mettre à l'écart et à les protéger, donc quelque part j'ai fais ce que je devais... Cela dit j'ai toujours cette foutue culpabilité qui me poursuivra toujours... Il faut juste que j'apprenne à vivre avec... Merci et gros bisous !

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  13. Pffffiou j'ai des frissons, j'imagine comme ça doit te hanter une histoire comme ça...

    Pleins de bisous ma Prune!

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  14. Je n'avais pas lu ce billet il y a trois ans. Je suis tellement émue.
    On est parfois impuissant, souvent, trop souvent, même. Mais c'est dans des moments tragiques comme celui-ci qu'on se rend compte qu'on a besoin des autres, de ne pas être seul, d'être soutenu, même par des inconnus.

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    1. C'est vrai aussi... il y a eu une belle solidarité, on a été nombreux à s'arrêter...

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Les commentaires sont modérés alors ne t'inquiète pas s'ils mettent du temps à s'afficher, je suis pas toujours là mais ça finira par arriver et j'y réponds (presque) toujours !