samedi 21 juin 2014

L'histoire de la pêche plate

C'était il y a 4 ans. Un mois d'avril exceptionnellement chaud, 6 semaines de sécheresse. Nous avions pris quelques jours de vacances et nous étions partis, sans rien programmer, On The Road Again, comme à notre habitude.

On roulait, on roulait, et quand on voyait un panneau "monument historique", on suivait. La Liberté, la culture, le bonheur.

C'est comme ça qu'on s'est retrouvés au Bec Hellouin. Une abbaye splendide dans un petit village au coeur d'un vallon normand. On y accède en passant sous un gigantesque viaduc de l'A13, magique. 

L'endroit était apaisant, silencieux, magnifique. Après la visite, on a eu envie de grignoter quelque chose. Dans le village d'à côté, on a trouvé une épicerie. Le genre d'épicerie de campagne qui existait dans les années 50 et que moi j'ai connu dans mon enfance au Portugal (pas dans les années 50 hein) (déconne pas). Il y avait de tout, partout. Abondance de conserves, de fromages, de fruits, de légumes. L'endroit était minuscule mais exploité du sol au plafond. On a été accueillit par une petite mamie en tablier à fleurs tout droit sortie du passé. Elle avait le ton bourru et simple de la campagne. Elle incarnait la grand-mère que j'aurais voulu avoir. Elle a coupé un généreux morceau de fromage pour Pruneau et je ne sais plus quelle bêtise pour moi, des bonbons, sans doutes. Et puis elle a voulu nous vendre ses pêches plates "vous m'en direz des nouvelles" qu'elle a dit. 

Je ne connaissais pas cette variété. C'est une pêche, mais plate, un peu rabougrie. Un petit fruit au look ingrat mais à la peau douce, à l'odeur suave, et goût exceptionnel. Sucré, juteux, un vrai petit bonbon.

On a du dévorer un kilo de pêches sur la route, en continuant notre chemin. On mangeait, on s'extasiait, et on jetait les noyaux dans les champs.

Depuis, à chaque fois que je mange une pêche plate, je repense à ce petit moment de bonheur, où tout était parfait, où rien n'était à changer. Moi et mon homme, dans cette petite épicerie, tenue par cette vieille dame qui devait être là depuis 50 ans, du soleil et des pêches plates. 

L'autre jour, Pruneau a ramené des pêches en me faisant un clin d'oeil. Et directement je me suis dit qu'il fallait que je partage ça avec Brugnon. Il s'est régalé. Il se jetait sur les morceaux, il rigolait et battait des mains entre chaque bouchée. Et ça m'a mis les larmes aux yeux.

C'était plus qu'un bébé qui goûtait un nouveau fruit. 

C'était mon fils, à qui je faisais partager une partie des souvenirs de ses parents. 

C'était mon fils, à qui je faisais partager l'amour qui m'unit à son père. 

C'était mon fils, mangeant une pêche plate, comme un jeune couple d'amoureux, 3 ans avant sa naissance, quelque part en Normandie. 


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